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Marcel Toussaint, recordman de l’ombre

 

Marcel Toussaint en 1975 (image inspirée de sa carte d’employé tirée de nos archives)

À la STM, c’est la tradition de souligner les 25 années de service d’un employé. Imaginez maintenant 50 années de service! C’est ce plateau remarquable que s’apprête à atteindre Marcel Toussaint. Chauffeur au Transport adapté depuis 39 années, il a d’abord été employé de bureau, avant de devenir chauffeur au réseau régulier. Un demi-siècle après son arrivée, Marcel Toussaint a accepté de sortir brièvement de l’ombre pour nous raconter les grandes lignes de sa carrière à la CTCUM, à la STCUM et finalement à la STM.

Les débuts

« J’ai débuté ma carrière le 3 mai 1971 au 159 de la rue Craig (Saint-Antoine), au 2e étage, en tant que commis à la Caisse. Il y avait des préposés dans les garages qui retiraient les boîtes de perception dans les bus, et c’était transporté au bureau-chef. Les femmes avaient les clefs et ouvraient les boîtes; nous, on les vidait, on séparait l’argent et on le comptait. J’ai commencé à travailler jeune (19 ans) pour aider mes parents. Il y avait le restaurant de La Presse, coin Craig et Saint-Laurent, et j’allais y chercher le journal. Je partais de là et je visitais des entreprises pour un emploi. J’ai appliqué à Hydro-Québec, à Bell Canada… J’ai seulement terminé ma onzième année, ce n’est même pas l’équivalent d’un secondaire 5. C’est en prenant le bus, un jour, qu’un chauffeur m’a dit qu’ils engageaient à la Commission. J’ai appliqué, on m’a passé en entrevue et j’ai été accepté. J’ai dit au monsieur qui m’a engagé qu’il ne le regretterait pas, et 50 ans plus tard, je suis encore là! Ce monsieur, c’était Maurice Dumont, mon patron sur l’étage. »

D’employé de bureau à chauffeur

« Fin 1972, j’ai eu une promotion et je suis resté au même étage, mais à la Sécurité. Mon travail consistait à compiler des statistiques sur les accidents survenus dans le métro et les bus. Je produisais des rapports à chaque mois. Ça a duré deux ans environ. En août 1974, je suis devenu chauffeur de bus! Les Jeux olympiques approchaient, il y avait beaucoup de postes offerts et le salaire était bien plus intéressant. J’étais déjà à l’emploi de la Commission, alors je n’avais rien à perdre. J’ai appliqué et deux semaines plus tard, je débutais mon entraînement! Je n’avais pas le permis pour cette classe de véhicules, c’est la Commission qui a fait le nécessaire lorsque j’ai passé les examens. J’ai commencé au garage Saint-Michel, justement dans le bâtiment où je travaille maintenant pour le Transport adapté! Dans ce temps-là, c’était un garage de bus réguliers. Les bus étaient bruns, surtout de marque Brill. J’ai connu la petite banque pour donner la monnaie aux clients, ainsi que la casquette! L’uniforme était très strict, on n’avait pas encore de pantalons courts. Ça a bien changé depuis! Après, je suis allé quelques années au garage Saint-Denis. On pouvait changer de garage à chaque début d’année, ou aller au métro. Mais moi, le métro, ça ne m’a jamais intéressé. J’ai travaillé également au garage Legendre; j’ai toujours habité le nord de la ville, alors j’ai toujours travaillé dans le secteur aussi. »

Le Transport adapté

« En janvier 1982, je suis allé travailler au Transport adapté. C’était encore assez récent, ça a commencé à la Commission en avril 1980. Je n’étais pas gros (je ne le suis pas encore!), alors je me demandais si j’allais pouvoir faire le travail. Dans ce temps-là, il fallait pouvoir monter et descendre trois marches avec la personne dans son fauteuil, en employant une technique particulière. J’ai pris une chance, ça a marché et je n’ai jamais été bumpé. Ça fait 39 ans que je suis au TA! Là aussi, ça a beaucoup changé. Au début, on avait les véhicules de la famille Forest, ceux qui s’occupaient du transport adapté avant la Commission. C’était de petites fourgonnettes, avec le toit assez bas. Je m’y suis frappé la tête souvent en entrant! Il y avait une chaîne qu’on accrochait sous le fauteuil, on mettait un bloc de bois à l’arrière et on actionnait les freins du fauteuil. Ce n’était pas tellement sécuritaire! Pour entrer ou sortir le fauteuil, il fallait sortir et installer de grosses rampes en métal. Par la suite, on a reçu des véhicules avec un hayon hydraulique. Il y a eu plusieurs modèles; sur les Girardin, le hayon était complètement à l’arrière et c’était très bruyant lorsqu’on roulait. Ça a commencé à Saint-Denis/Bellechasse, puis le service a déménagé à l’ancien garage Saint-Michel, où ils ont tout rénové avant notre arrivée (en 1992). La base radio a aussi été sur l’avenue de l’Esplanade, près de Crémazie. »

Au TA pour y rester!

« J’ai aimé le TA dès le début et j’ai toujours voulu y rester. C’est peut-être un concours de circonstances, peut-être aussi parce que je suis quelqu’un de solitaire. C’est moins stressant que sur le réseau régulier. Et avec les clients, il n’y a jamais de problème. Ils sont contents qu’on soit là, et nous, on leur répond que s’ils n’étaient pas là, on ne serait pas là non plus! Mes 50 années dans l’entreprise ont passé très vite. Je sais, beaucoup de gens disent ça, mais c’est bien vrai! Je me vois au TA encore quelques années, jusqu’à 75 ans peut-être (j’ai 69 ans actuellement). Il y a des documents de la SAAQ à remplir tous les deux ans, mais pour l’instant, tout va bien. Personnellement, je n’ai jamais compté les années ou visé de record. J’aime mon métier. Qui sait, on se reparlera peut-être dans dix ans, pour mon 60e! »

 


 

Le CT Saint-Denis agrandi en 1971. Notez les bus bruns de l’époque. (Archives de la STM)

Un brin d’histoire : la CTCUM en 1971

Président-directeur général : Lucien L’Allier (depuis 1964)
Employés : plus de 6 000
Budget annuel : 80 millions $
Prix d’un passage : 0,35 $ (0,10 $ pour le tarif réduit)
Déplacements annuels : 264 millions (métro : 122 millions)
Bus : 138 lignes (dont 8 express) et 1 850 véhicules (dont 100 nouveaux)
Métro : 369* voitures et 26 stations sur 3 lignes (verte, orange et jaune)
Transport adapté : aucun

N.B. le territoire de la CTCUM exclut l’Ouest-de-l’île mais inclut Longueuil.

Faits saillants
1971.01.04 : Création de la ligne de bus 186 – Dorchester (René-Lévesque)
1971.02.13 : Ouverture du nouveau garage Saint-Denis
1971.03.04 : Tempête du siècle, le métro fonctionne toute la nuit
1971.09.06 : Création de la ligne de bus 123 – Dollard
1971.10.14 : Coup d’envoi des travaux de prolongement du métro
1971.12.09 : Incendie dans l’arrière-gare de la station Henri-Bourassa

* 345 voitures après l’incendie du 9 décembre 1971

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